Madame Moon (née Malcy de Chazal) rend compte à la Société, des heureux essais qu’elle a faits au Vacoa pour y établir la Magnanerie que son père, Toussaint de Chazal, avait tenté d’y fonder.

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Pendant le séjour de mon père dans l’Inde, en 1812 et 1813, écrit Mme. Moon, il visita les Magnaneries de la Compagnie,et fut si bien pénétré des immenses avantages qui résulteraient pour l’Ile Maurice, de l’industrie séricole, qu’il ne regarda pas aux sommes qu’il fallait pour obtenir des oeufs de vers à soie et des boutures de mûriers, dont la Compagnie était fort jalouse; et il en rapporta à grands frais. Il réussit parfaitement à les acclimater au Vacoa; mais, la même année, il perdit tous ses vers dans un ouragan. Il en fit venir d’autres avec beaucoup plus de difficultés et de dépenses.Un accident rendit cette seconde introduction également infructueuse. Ce fut alors qu’il s’adressa au Gouverneur Farquhar qui lui procura des oeufs de l’Inde.

Cette fois, les mûriers ayant grandi, les bâtiments étant bien établis et l’expérience acquise, le succès le plus complet courouna sa persévérance. Sa Magnanerie devint même, en peu de mois, assez intéressante pour mériter l’attention du Gouvernement local qui, prenant en considération le bienfait qui résulterait pour le pays de cette industrie, si on venait à son aide, mit à la disposition de mon père un certain nombre de convicts indiens. Par l’assistance de ces hommes, mon père pût étendre ses plantations, augmenter les bâtiments, et il produisit sept cent cinquante livres de soie grège la dernière année de sa vie, en 1822. Sa fin prématurée fut un triste échec pour cette manufacture naissante; il était le seul colon qui l’eût entreprise.

Ma mère voulut la continuer; mais le Gouvernement lui ayant retiré les convicts, à l’époque où la culture de la canne prit une si grande extension que toute autre culture fut négligée, le travail mensuel fut porté à un prix si élevé qu’il lui fut impossible de s’occuper plus longtemps de la Magnanerie. Depuis, personne ne s’en est, je pense, occupé sérieusement.

Plusieurs fois on a recommencé de petits essais qui ont été presque aussitôt abandonnés.

Les circonstances m’ayant forcée de retourner au Vacoa, sur les terres du MONDRAIN, je ne saurais vous dire avec quelle joie j’ai retrouvé des mûriers que le chiendent n’avait pu parvenir à détruire. J’essayai alors une petite éducation de vers à soie, en m’aidant de mes souvenirs d’enfance et de quelques lectures çà et là dans ma bibliothèque.

Je ne voulais que m’amuser, mais je fus surprise de réussir en dépit des mille et mille obstacles que je rencontrais. Je fus alors FIÉRE de mes douze écheveaux de soie dont je vous adressai un avec un SENTIMENT D’ORGUEIL.

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J’ai une bonne provision de graines, que j’ai bien soigneusement cachetée dans une potiche de grès. N’ayant pu faire nettoyer les mûriers, la repousse des feuilles est lente, et je ne pourrai en cueillir assez pour une seconde éducation.

J’en suis d’autant plus fâchée que j’aurais voulu pouvoir vous rendre un compte plus exact de ce second essai.

La curiosité a attiré chez moi tous mes petits voisins; tous veulent planter des mûriers, et me prient de les aider à élever des vers, et à filer les cocons, quand ils en auront. Ceci est digne de votre attention, parce que ces petits planteurs sont tous très-pauvres et très paresseux; et leur bien-être serait assuré si une Magnanerie était établie au Vacoa, où le climat n’admet pas la canne, et est, au contraire, si favorable au mûrier qu’il y croit sans culture, et produit des feuilles toute l’année; ce qui permet de faire sept à huit récoltes par an et même plus. Sa température modérée convient aux vers à soie qui ne demandent autre chose que de la nourriture en quantité suffisante. Il n’y a jamais eu ni maladie ni mortalité sur les vers au Mondrain.

Si je le pouvais, je voudrais doter mon pays de cette richesse nouvelle; mais quoique les Magnaneries, d’après la méthode de l’Inde, n’exigent pas de grands frais, encore faut-il pouvoir louer de bons ouvriers pour bâtir des cases solides et faire les étagères. il faut des laboureurs pour planter et soigner les mûriers, pour cueillir et porter les feuilles. Il faut faire venir des tours et établir une filature à la vapeur. Il faut enfin un ou deux bons fileurs indiens, qui seraient faciles à trouver ici, trois des convicts de mon père existant encore: ils enseigneraient à d’autres.Faute de mieux, je continuerai à faire de petites éducations comme la dernière, et tâcherai d’obtenir une soie mieux filée. Vous jugerez mes progrès.

Je tâcherai aussi de vous apporter la médaille d’Encouragement qui a été envoyée à mon père par la Société d’Agriculture de Londres, et peut être y pourrai je joindre les lettres du Gouverneur Farquhar et de ses successeurs.

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Après lecture faite de ces deux lettres, la Société, tout en exprimant ses regrets de ne pouvoir aider que de ses conseils ces deux industries naissantes, désire que l’attention du Gouvernement soit appelée sur ce sujet, afin qu’il prenne telles mesures qu’il jugera convenables pour encourager, comme elles le méritent, ces deux nouvelles sources de prospérité
future pour la Colonie.
Pour copie conforme: BOURBON, Vice-Secrétaire,

JEUDI, 13 JUIN 1844.
L’Honorable G. F. DICK occupe le fauteuil.
MM W. BOJER, L. BOUTON, BOURBON, A. DESENNE, AUG. CASTELLAN, l’Honorable F. BARBÉ, BONNEFOY,
JAUNET.
M. Edouard Vigoureux proposé à la dernière réunion est reçu membre résidant.
Le Secrétaire donne communication à la Société:
1. D’une lettre du Dr. Thompson Député Inspecteur Général des Hôpitaux à Sydney. Cette lettre accuse
réception des derniers Rapports de la Société et exprime le désir du Dr Thompson, d’enrichir Sydney de
quelques-unes de ces productions végétales dont les arts et l’économie domestique pourraient tirer parti dans
ce pays et qui y manquent totalement. Le Dr. Thompson entre autres plantes qu’il désire introduire à Sydney,
recommande les graines du Badamier des Moluques, du Bois Noir, de l’Attier, de l’Avocatier, du Manguier, de
la Fataque de Madagascar, de l’herbe de Guinée, surtout des diverses espèces de Cotonniers cultivés à l’Ile
Maurice et plus particulièrement du Cotonnier des Barbades. Gossypium Barbadense LIN. connu à Maurice
sous le nom de Coton des Séchelles.
2. D’une lettre de l’Honorable Secrétaire Colonial en réponse à celle qui lui a été adressée par le Vice-
Secrétaire de la Société, recommandant à l’attention du Gouvernement la culture du thé et l’élève des vers à
soie. La lettre de l’Honorable Secrétaire Colonial exprime à la Société l’intention de Son Excellence le
Gouverneur, d’accorder à ces deux branches d’industrie, l’assistance réclamée, et Son Excellence s’adresse à
cet effet à la Société pour savoir d’elle comment cette assistance devra être accordée, et quelle est la meilleure
application qui puisse en être faite dans l’intérêt de la communauté.
Cette lettre est ainsi conçue:
Colonial Secretary’s Office, 21st May 1844.
To the Secretary to the Natural
History Society, etc., etc.
Sir,
1. With reference to your letter of the 15th Ultimo submitting for the consideration of His Excellency the Governor
certain communications made to the Society respecting the cultivation of the Tea Plant and the Silk Worm in the Colony, I
have the honor to acquaint you, that His Excellency has given directions that the two convicts designated by Mme Moon, as
having been formerly employed by her father in the cultivation of Silk be now placed at her disposal.
2. As regards that object, and the cultivation of the Tea Plant, His Excellency with every wish to further them, is at a
loss to know in what way, assistance can be most advantageously afforded, and would be glad to have the advice of the

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Natural History Society on the subject.
I have the honor to be,
Sir,
Your most obedient servant,
GEO. F. DICK,
Colonial Secretary.
Après la lecture de cette lettre, d’un si grand intérêt aux yeux de la Société, en ce qu’elle lui donne une
preuve de la confiance que Son Excellence le Gouverneur veut bien lui témoigner, l’Honorable Président
nomme un Comité composé de M. W. Bojer, L. Bouton et A. Desenne, à l’effet de soumettre à la Société les
explications et les renseignemens demandés dans la lettre de l’Honorable Secrétaire Colonial, et de rédiger la
réponse qui devra être placée sous les yeux de S. E. le Gouverneur.